Chez le vendeur de baguettes

Pie chercha la boutique de Monsieur Stephanovitch. Elle chercha, puis elle trouva sa boutique. Elle relut bien le nom de sa boutique, puis elle entra.
J'espère qu'il va bien m'accueillir.

- Bonjour, je suis bien dans la boutique de Monsieur Stephanovitch ? Parce que j'aimerais acheter une baguette. Si j'ai bien compris, c'est la baguette qui choisit son sorcier, n'est-ce pas Monsieur Stephanovitch ?

Le fabriquant leva les yeux de son ouvrage lorsqu'il entendit le bruit caractéristique de la petite clochette au-dessus de sa porte. Il ponçait avec minutie le bois d'une nouvelle baguette qu'il n'avait pas encore terminée, et hésitait encore à utiliser du poil de centaure ou de la poudre de crochet de basilic pour achever sa dernière invention. La venue de cette jeune fille lui laisserait certainement le temps d'y réfléchir.

Il se leva pour se poster derrière son comptoir sur lequel il posa à plat ses deux grandes mains.

- C'est écrit sur la devanture, grogna-t-il tout d'abord d'une voix peu accueillante.

Mais cette petite n'avait pas l'air méchante. Il fit donc un effort et ajouta d'un ton plus aimable.

- C'est bien ici. Et je vois que tu t'es un peu renseignée avant de venir. Cela change de toutes les petites têtes vides qui viennent chaque année envahir ma boutique.

Un petit sourire étira le coin de ses lèvres, puis il fronça légèrement les sourcils en étudiant la petite fille en face de lui. Il réfléchissait à la baguette qui pourrait lui convenir.

- Si je te dis écureuil à trois pattes ou dragon édenté, lequel choisis-tu ?


Rien de mieux qu'une question complètement incongrue pour en apprendre tout de suite beaucoup sur le caractère de quelqu'un.

Il est très accueillant.

- Merci de m'avoir bien accueillie.

Laquelle essayer ? Je me pose tellement de questions ! Ouh là là je ne sais pas du tout. Bon allez je me lance, enfin non je ne sais pas encore. La baguette dragon édenté ou la baguette écureuil à trois pattes ? Je sais, je n'ai qu'à essayer les deux, d'abord la baguette dragon édenté puis la baguette écureuil à trois pattes.
Après avoir longuement réfléchi, Pie annonça à Monsieur Stephanovitch la baguette qu'elle voudrait essayer en premier.

- J'aimerais essayer la baguette dragon édenté s'il vous plait. Et si elle ne me va pas j'essayerai la baguette écureuil à trois pattes.

Le fabriquant sourit lorsqu'elle le remercia. Cette petite fille était décidément bien gentille. Son humeur en fut aussitôt adoucie et alors qu'elle choisit le dragon édenté, il alla chercher la baguette avec un air amusé.

- Les dragons sont toujours des bêtes qui fascinent, n'est-ce pas ?

Il revint vers le comptoir et donna à la jeune enfant une baguette toute droite avec des ornements rouges vifs sur tout le corps.

- Cette baguette a été créée avec la poudre d'un croc de dragon si vieux qu'il avait perdu toutes ses dents et était mort de faim. C'est très rare, et très puissant. Fais attention quand tu la manipules.

Puis il s'écarta pour la laisser mimer le geste et voir la réaction de la baguette. Peut-être que cette petite fille aurait l'étoffe pour maîtriser un matériau aussi noble ?

Pie se demanda si elle allait avoir du mal avec cette baguette.
- J'espère que cette baguette va me choisir, sinon ce n'est pas grave j'essayerai l'autre baguette .
Elle prit la baguette puis fit le geste à faire.  
- Et je voulais vous dire, merci de votre gentillesse  .

- Nous verrons bien ! lança le marchand avec une étincelle d'excitation dans les yeux. Les baguettes sont parfois capricieuses...

Puis il eut un petit rire quand elle le remercia.

- Ha ha... C'est tout naturel lorsque les clients sont aimables. Il est triste que cela arrive de moins en moins souvent !

Il se redressa enfin et s'écarta de quelques pas en faisant un signe à Pie pour qu'elle essaie la baguette.

- Allez ! Fais le geste ! Voyons ce que cette baguette pense de toi...

Après que Pie fit le geste, rien ne se passa. Pie se demanda si cela était normal.

Je me demande si cela est normal.

- Je vais refaire le geste, d'accord ? 

Puis elle refit le geste.

- Sinon cela n'est pas grave, il y a l'autre baguette: écureuil à trois pattes.

La baguette que le fabricant venait de proposer restait absolument inerte. Il en était le premier surpris. Il avait bien vu des baguettes provoquer des cataclysmes qui n'étaient pas voulus par leur potentiel propriétaire, ou d'autres ne fonctionner qu'à 10% de leur puissance, mais jamais encore il n'en avait vu ne pas réagir du tout.

- Eh bien eh bien, je crois que nous pouvons en effet écarter celle-ci sans nous poser de question. Elle ne semble être aucunement sensible à vos charmes. 

Il se dirigea vers les étagères encombrées et s'arrêta devant un étui en bois de gland. Il en extirpa une baguette vrillée dont le manche était recouvert de fourrure.

- Racine de mandragore et fourrure d'écureuil à trois pattes. Comment celle-ci va-t-elle réagir ?

Pie prit la baguette écureuil à trois pattes et fit le geste à faire.
- Je refais le geste !
Pie avait peur que la baguette ne la choisisse pas, mais de toute façon monsieur Stephanovitch avait plein d'autres baguettes dans sa boutique.
- De toute façon vous avez d'autres baguettes dans votre boutique.

Cette jeune enfant semblait bien peu sûre d'elle. Stephanovitch était pourtant convaincu de son potentiel. Il tenta donc de la rassurer.

- N'ayez crainte, vous trouverez forcément celle qui vous convient ici. Concentrez-vous simplement et laissez vous aller au pouvoir de la baguette pour la laisser s'exprimer. Nous verrons bien si elle vous trouve digne d'elle.

Puis il croisa les bras sur sa poitrine.

- Allez-y. Ayez confiance en vous.

-D'accord, j'ai confiance en moi.

Arrête de stresser Pie arrête.

Pie avait bien du mal à arrêter de stresser.
Quand elle fit le geste, elle souleva monsieur Stephanovitch et elle le fit tomber parterre.

- Je suis désolé monsieur . J'espère que je ne vous ai pas fait mal.Vous allez bien ? Décidément, les deux baguettes que j'ai essayé ne me vont pas.

La jeune fille prit une grande inspiration et se lança enfin. Mais c'était sans compter le caractère bien trempé de cette baguette ! Stephanovitch sentit ses pieds se décoller lentement du sol et commença à faire d'amples moulinets avec ses bras pour tenter de garder l'équilibre.

- Par ma barbe... !

Et d'un seul coup, il retomba lourdement par terre. Sa tête cogna contre le parquet en un bruit sourd.

- Ouille !

Le fabriquant se releva difficilement, grommela quelques mots incompréhensibles en se frottant la tête. Il allait avoir une bosse, c'était certain. Il remarqua alors l'air contrit de la petite et se calma doucement.

- Ce n'est pas de votre faute... grogna-t-il en récupérant la baguette récalcitrante. Lorsque les baguettes refusent d'obéir, elles font ce qu'elles veulent, et c'est rarement agréable.

Il retourna dans ses étagères d'un pas lourd pour la ranger précautionneusement et se mit à tapoter ses doigts sur ses lèvres en réfléchissant.

- Mmh... Laquelle pourrait bien vous convenir ? Celle ci ? Non... non. Tiens ! Celle-ci peut-être ?

Il revint avec un étui bleu ciel duquel il sortit une belle baguette d'un brun foncé incrustée de nacre.

- Tenez : 28,2 cm, bois de noyer et écaille de sirène. Elle est plus distinguée, plus fragile aussi. Essayez donc...

Je me doutais bien qu'il allait avoir une bosse sur la tête.

-D'accord je vais essayer celle-là, puis Pie prit la baguette.

Pie fit le geste et souleva la chaise à côté du comptoir de monsieur Stephanovitch, puis elle reposa la chaise en toute délicatesse sans blesser personne ni faire de dégâts. Puis elle reposa la baguette sur le comptoir de monsieur Stephanovitch.

-Je pense que cette baguette me va à merveille. Après c'est vous qui voyez. Et si je dois l'acheter, je dois la payer avec quoi? Et quel est le prix ?

Enfin ! Stephan n'était pas mécontent que cette catastrophe en jupon quitte enfin sa boutique. Il avait encore mal au crâne. Il se dépêcha de lui annoncer le prix de la baguette, tout en l'emballant dans un sachet en papier.

- 22 gadoules, 5 mornilles et 3 noises, mademoiselle. Je n'accepte pas les chèques, mais je peux vous rendre la monnaie. C'est tout ce qu'il vous fallait ?

Pie était très contente d'avoir sa baguette.

- Je suis très contente d'avoir ma baguette.

Pie chercha les 22 gadoules, 5 mornilles et 3 noises dans son porte monnaie.

- Oui c'est tout ce qu'il me fallait. Alors, vous voilà 22 gadoules, 5 mornilles et 3 noises. Le compte est-il bon? Au revoir monsieur Stephanovitch.

Puis elle partit en étant joyeuse et souriante de la boutique de monsieur Stephanovitch, en se dirigent vers la boutique Du Chat Qui Tousse.

Stephanovitch eut un large sourire en donnant sa baguette à la jeune fille.
- Le compte est bon ! C'est parfait. Tout le plaisir était pour moi, mademoiselle. Si jamais vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à repasser. Et bon courage pour votre rentrée scolaire !

Il lui fit un signe de la main et tourna les talons pour retourner travailler sur une nouvelle baguette.